La salope du village (Titre provisoire)

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Combien de mères n’ont-elles pas déjà suggéré à leur fille
de rallonger leur jupe pour ne pas paraître vulgaire ?
Au fond, qui n’a jamais regardé d’un mauvais œil
cette fille qui drague ouvertement les mecs en soirée ?

 

J’ai grandi là ou une fille qui aurait l’audace de montrer le moindre signe de désir sexuel est une salope.
J’ai pourtant grandi entouré de gens « dits » biens, ouverts et tolérants. Ce paradoxe, c’est un constat que
j’observe encore aujourd’hui. Il est l’objet de ma recherche et il retient toute mon attention.

A quatre ans, j’étais fasciné par cette femme maquillée « généreusement » qui venait dans le magasin de mes parents. Pour ma famille elle était vulgaire, pour les hommes du village et leurs épouses, c’était une pute ou une traînée. Pour d’autres catholiques, c’était “ une pauvre fille à plaindre qui avait sans doute reçu trop peu d’amour jusque là et tentait de se faire remarquer, donc aimer, par son accoutrement. » Peu importe qui m’en parlait, de l’amour en tout cas, aucune de ces personnes ne pouvaient lui en donner.
Je tricherais si je n’admettais pas que cette fille représentait quelque chose d’embarrassant.
En effet, elle avait des rapports sexuels avec des hommes du village, des pères de famille, des maris, des jeunes puceaux. Elle cumulait les soirées de village où elle devenait l’objet de bagarres (ou y prenait part, elle-même), les vols dans les magasins, la consommation et l’incitation aux drogues etc.
Pourtant elle jouait un rôle important et central dans ce village : La salope !
A ce titre, on aurait pu lui dire bravo.

« C’est drôle, ceux qui tiennent ce type de discours sont généralement les mêmes qui veulent exclure les afro
féministes, les musulmanes, les putes, bref tout ce qui déclenche chez eux une forme de panique morale. »

Ovidie

Salopes, putes, roulures et traînées, je me veux votre avocat théâtral.

Après une première résidence d’écriture et de documentation, il est devenu évident que je souhaitais ériger cette “salope du village” en héroïne. Puis, c’est presque devenu une obsession. Je travaille avec un dispositif simple, une sorte de powerpoint théâtral musical :  une table, un ordinateur, un vidéoprojecteur, des enceintes, c’est tout!

Avec une bande son digne des plus grandes épopées hollywoodiennes, je raconterai (peut-être comme le colporteur d’histoires du Village), comment, à l’aide de l’alcoolique du café , du p’tit PD du village et de la “fausse-jeune” coiffeuse, celle que tout le monde se plaisait à appeler « la salope », a réussi à vaincre la domination masculine dictatoriale, ultra sécuritaire et à sauver le monde et la vie qu’il contient. J’utiliserai mon expérience réelle au village pour la transposer au théâtre dans un univers poétique mais populaire. Depuis ma table, je raconte cette histoire au public. Je pourrais d’ailleurs retracer cette histoire comme si j’étais avec vous au bar, au café de la place de mon village.